Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/27

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au pied de l’escarpement une croupe plus ou moins élevée, selon que les chutes de débris sont plus ou moins abondantes ; ces croupes forment les flancs des vallées dans toutes les hautes montagnes, et se couvrent d’une riche végétation quand les éboulemens supérieurs commencent à devenir moins fréquens ; mais leur défaut de solidité les rend sujettes à s’ébouler elles-mêmes quand elles sont minées par les ruisseaux ; et c’est alors que des villes, que des cantons riches et peuplés se trouvent ensevelis sous la chute d’une montagne ; que le cours des rivières est intercepté, qu’il se forme des lacs dans des lieux auparavant fertiles et rians. Mais ces grandes chutes heureusement sont rares, et la principale influence de ces collines de débris, c’est de fournir des matériaux pour les ravages des torrens.

Alluvions.Les eaux qui tombent sur les crêtes et les sommets des montagnes, ou les vapeurs qui s’y condensent, ou les neiges qui s’y liquéfient, descendent par une infinité de filets le long de leurs pentes ; elles en enlèvent quelques parcelles, et y tracent par leur passage des sillons légers. Bientôt ces filets se réunissent dans les creux plus marqués dont la surface des montagnes est labourée ; ils s’écoulent par les vallées profondes qui en entament le pied, et vont former ainsi les rivières et les fleuves qui reportent à la mer les eaux que la mer avait données à l’atmosphère. A la fonte des neiges, ou lorsqu’il survient un orage, le volume de ces eaux des montagnes subitement augmenté se précipite avec une vitesse proportionnée aux pentes ; elles vont heurter avec violence le pied de ces croupes de débris qui couvrent les flancs de toutes les hautes vallées ; elles entraînent avec elles les fragmens déjà arrondis qui les composent ; elles les émoussent, les polissent encore par le frottement ; mais, à mesure qu’elles arrivent à des vallées plus unies où leur chute diminue, ou dans des bassins plus larges où il leur est permis de s’épandre, elles jettent sur la plage les plus grosses de ces pierres qu’elles roulaient ; les débris plus petits sont déposés plus bas ; et il n’arrive guère au grand canal de la rivière que les parcelles les plus menues, ou le limon le plus imperceptible. Souvent même le cours de ces eaux, avant de