Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/31

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Incrustation.Il est possible aussi que dans quelques endroits les animaux à coquillages laissent en mourant leurs dépouilles pierreuses, et que, liées par des vases plus ou moins concrètes, ou par d’autres cimens, elles forment des dépôts étendus ou des espèces de bancs coquilliers ; mais nous n’avons aucune preuve que la mer puisse aujourd’hui incruster ces coquilles d’une pâte aussi compacte que les marbres, que les grès, ni même que le calcaire grossier dont nous voyons les coquilles de nos couches enveloppées. Encore moins trouvons-nous qu’elle précipite nulle part de ces couches plus solides, plus siliceuses qui ont précédé la formation des bancs coquilliers. Enfin toutes ces causes réunies ne changeraient pas d’une quantité appréciable le niveau de la mer, ne relèveraient pas une seule couche au-dessus de ce niveau, et surtout ne produiraient pas le moindre monticule à la surface de la terre.

On a bien soutenu que la mer éprouve une diminution générale, et que l’on en a fait l’observation dans quelques lieux des bords de la Baltique[1]. Mais quelles que soient les causes de ces apparences, il est certain qu’elles n’ont rien de général ; que dans le plus grand nombre des ports où l’on a tant d’intérêt à observer la hauteur de la mer, et où des ouvrages fixes et anciens donnent tant de moyens d’en mesurer les variations, son niveau moyen est constant ; il n’y a point d’abaissement universel ; il n’y a point d’empiétement général. En d’autres endroits, comme l'Écosse et divers points de la Méditerranée, on croit avoir aperçu, au contraire, que la mer s’élève, et qu’elle y couvre aujourd’hui des plages autrefois supérieures à son niveau[2].

  1. C’est une opinion commune en Suède que la mer s’abaisse, et que l’on passe à gué ou à pied sec dans beaucoup d’endroits où cela n’était pas possible autrefois. Des hommes très-savans ont partagé cette opinion du peuple ; et M. de Bucli l’adopte tellement, qu’il va jusqu’à supposer que le sol de toute la Suède s’élève petit à petit. Mais il est singulier que l’on n’ait pas fait ou du moins publié des observations suivies et précises propres à constater un fait mis en avant depuis si long-temps, et qui ne laisserait lieu à aucun doute si, comme le dit Linnœus, cette différence de niveau allait à quatre et cinq pieds par an.
  2. M. Robert Stevenson, dans ses observations sur le lit de la mer du nord et de la Manche,