Cependant on peut leur répondre, dans leur propre système,
que si les espèces ont changé par degrés, on devrait trouver des
traces de ces modifications graduelles ; qu’entre le palæothérium et
les espèces d’aujourd’hui l’on devrait découvrir quelques formes
intermédiaires, et que jusqu’à présent cela n’est point arrivé.
Pourquoi les entrailles de la terre n’ont-elles point conservé les
monumens d’une généalogie si curieuse, si ce n’est parce que les
espèces d’autrefois étaient aussi constantes que les nôtres, ou du
moins parce que la catastrophe qui les a détruites ne leur a pas laissé
le temps de se livrer à leurs variations ?
Quant aux naturalistes qui reconnaissent que les variétés sont
restreintes dans certaines limites fixées par la nature, il faut, pour
leur répondre, examiner jusqu’où s’étendent ces limites, recherche
curieuse, fort intéressante en elle-même sous une infinité de rapports,
et dont on s’est cependant bien peu occupé jusqu’ici.
Cette recherche suppose la définition de l’espèce qui sert de base
à l’usage que l’on fait de ce mot, savoir, que l’espèce comprend les
individus qui descendent les uns des autres ou de parens communs,
et ceux qui leur ressemblent autant qu’ils se ressemblent entre
eux. Ainsi nous n’appelons variétés d’une espèce que les races plus
ou moins différentes qui peuvent en être sorties par la génération.
Nos observations sur les différences entre les ancêtres et les descendans
sont donc pour nous la seule règle raisonnable ; car toute autre
rentrerait dans des hypothèses sans preuves.
Or, en prenant ainsi la variété, nous observons que les différences qui la constituent dépendent des circonstances déterminées, et que
leur étendue augmente avec l’intensité de ces circonstances.
Ainsi les caractères les plus superficiels sont les plus variables ; la couleur tient beaucoup à la lumière ; l’épaisseur du poil à la chaleur ; la grandeur à l’abondance de la nourriture : mais, dans un animal sauvage, ces variétés mêmes sont fort limitées par le naturel de cet animal, qui ne s’écarte pas volontiers des lieux où il trouve, au degré convenable, tout ce qui est nécessaire au maintien de son espèce, et qui ne s’étend au loin qu’autant qu’il y trouve aussi la réu-