Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/79

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près de Rœstriz, et indiqués par M. de Schlotheim, avaient été annoncés comme tirés de bancs très-anciens ; mais ce savant respectable s’est empressé de faire connaître combien cette assertion est encore sujette au doute[1]. Il en est de même des objets de fabrica-

    qu’un tuf formé et journellement accru par les débris très-menus de coquillages et de coraux que les vagues détachent des rochers, et dont l’amas prend une grande cohésion dans les endroits qui sont plus souvent à sec. On reconnaît à la loupe que plusieurs de ces fragmens ont la même teinte rouge qu’une partie des coraux contenus dans les récifs de l’île. Ces sortes de formations sont communes dans tout l’Archipel des Antilles, où les nègres les connaissent sous le nom de Maçonne-bon-dieu. Leur accroissement est d’autant plus rapide, que le mouvement des eaux est plus violent. Elles ont étendu la plaine des Cajes à Saint-Domingue, dont la situation a quelque analogie avec la plage du Moule, et l’on y trouve quelquefois des débris de vases et d’autres ouvrages humains à vingt pieds de profondeur. On a fait mille conjectures, et même imaginé des événemens pour expliquer ces squelettes de la Guadeloupe ; mais, d’après toutes ces circonstances, M. Moreaude Jonnès, correspondant de l’Académie des Sciences, qui a été sur les lieux, et à qui je dois tout le détail ci-dessus, pense que ce sont simplement des cadavres de personnes qui ont péri dans quelque naufrage. Ils furent découverts en 1805 par M. Manuel Cortès y Campomanès, alors officier d’état-major, de service dans la colonie. Le général Ernouf, gouverneur, en fit extraire un avec beaucoup de peine, auquel il manquait la tête et presque toutes les extrémités supérieures : on l’avait déposé à la Guadeloupe, et on attendait d’en avoir un plus complet pour les envoyer ensemble à Paris, lorsque l’île fut prise par les Anglais. L’amiral Cochrane ayant trouvé ce squelette au quartier général, l’envoya à l’amirauté anglaise, qui l’offrit au Muséum britannique. Il est encore dans cette collection où M. Kcenig, conservateur de la partie minéralogique, l’a décrit pour les Trans. phil. de 1814 et où je l’ai vu en 1818. M. Kœnig fait observer que la pierre où il est engagé n’a point été taillée, mais qu’elle semble avoir été simplement insérée, comme un noyau distinct, dans la masse environnante. Le squelette y est tellement superficiel, qu’on a dû s’apercevoir de sa présence à la saillie de quelques-uns de ses os. Ils contiennent encore des parties animales et tout leur phosphate de chaux. La gangue, toute formée de parcelles de coraux et de pierre calcaire compacte, se dissout promptement dans l’acide nitrique. M. Kœnig y a reconnu des fragmens de millepora miniacea, de quelques madrépores, et de coquilles qu’il compare à l’hélix acuta et au turbo pica. Plus nouvellement, le général Donzelot a fait extraire un autre de ces squelettes que l’on voit au Cabinet du Roi, et dont nous donnons la figure, planche 1. C’est un corps qui a les genoux reployés. Il y reste quelque peu de la mâchoire supérieure, la moitié gauche de l’inférieure, presque tout un côté du tronc et du bassin, et une grande partie de l’extrémité supérieure et de l’extrémité inférieure gauches. La gangue est sensiblement un travertin dans lequel sont enfouies des coquilles de la mer voisine, et des coquilles terrestres qui vivent encore aujourd’hui dans l’île, nommément le bulimus guadalupensis de Férussac.

  1. Voyez le Traité des Pétrifications de M. de Schlotheim. Gotha, 1820, page 57 ; et sa lettre dans l’Isis de 1820, huitième cahier, supplément n°. 6.