Page:Discours sur les révolutions de la surface du globe, et sur les changemens qu'elles ont produits dans le règne animal.djvu/99

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lut assujétir ces diverses traditions à une chronologie commune, on crut voir des événemens différens, parce que des dates toutes incertaines, peut-être toutes fausses, mais regardées chacune dans son pays comme authentiques, ne se rapportaient pas entre elles. Ainsi de la même manière que les Hellènes avaient un déluge de Deucalion, parce qu’ils regardaient Deucalion comme leur premier auteur, les Autochtones de l’Attique en avaient un d’Ogygès, parce que c’était par Ogygès qu’ils commençaient leur histoire. Les Pelages d’Arcadie avaient celui qui, selon des auteurs postérieurs, contraignit Dardanus à se rendre vers l’Hellespont[1]. L’île de Samothrace, l’une de celles où il s’était le plus anciennement formé une succession de prêtres, un culte régulier et des traditions suivies, avait aussi un déluge qui passait pour le plus ancien de tous[2], et que l’on y attribuait à la rupture du Bosphore et de l’Hellespont. On gardait quelque idée d’un événement semblable en Asie mineure[3] et en Syrie[4], et par la suite les Grecs y attachèrent le nom de Deucalion[5].

Mais aucune de ces traditions ne plaçait très-haut ce cataclisme ; aucune d’elles ne refuse à s’expliquer, quanta sa date et à ses autres circonstances, par les variations que subissent toujours les récits qui ne sont point fixés par l’écriture.

L’antiquité excessive attribuée à certains peuples n’a rien d’historiqueLes hommes qui veulent attribuer au continent et à l’établissement des nations une antiquité très-reculée sont donc obligés de s’adresser aux Indiens, aux Chaldéens et aux Égyptiens, trois peuples en effet qui paraissent le plus anciennement civilisés de la race caucasique ; mais trois peuples extraordinairement semblables entre

  1. Denys d’Halicarnasse. Antiq. rom., lib. I, cap. LXI.
  2. Diodore de Sicile, lib. V, cap. XLVII.
  3. Étienne de Byzance, voce Iconium ; Zénodote , Prov., cent, VI, n°. 10 ; et Suidas, voce Nannacus.
  4. Lucian., de Deâ Syrâ.
  5. Arnobe. Contra Gent., lib. V, p. m. 158, parle même d’un rocher de Phrygie, d’où l’on prétendait que Deucalion et Pyrrha avaient pris leurs pierres.