Page:Documents diplomatiques français (1871-1914), série 1, tome 3, 1931.djvu/199

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la forme de note collective unique au lieu de note identique séparée. L’Ambassadeur de Russie a lu une déclaration d’ordre de son Gouvernement exprimant la satisfaction du Cabinet de Pétersbourg de constater l’heureux accord de l’Europe et le vœu de voir à l’avenir les Cabinets continuer à surveiller en commun l’exécution de l’œuvre du Congrès de Berlin. Le prince de Hohenlohe a prononcé un discours de clôture dans lequel il a affirmé que « la volonté de l’Europe ne saurait rencontrer de résistance sérieuse. »

188.

M. Tissot, Ambassadeur de France à Constantinople, à M. de Freycinet, Ministre des Affaires étrangères.

T.
Thérapia, 1er juillet 1880, 2 h. 30 soir.
(Reçu : 1er juillet, 10 h. s.)

Je viens de faire à Abeddin Pacha la communication dont Votre Excellence m’avait chargé[1]. Bien que très ému par la révélation des dangers auxquels il ne croyait pas jusqu’ici, le Ministre des Affaires étrangères du Sultan m’a exprimé la conviction que, même dans le cas où la Porte, comme je le demandais, consentirait à désavouer les résistances albanaises, et à retirer ses troupes, afin qu’elles ne fissent pas défection, les Albanais refuseraient d’obéir aux ordres du Sultan. C’était, m’a-t-il dit, ce qui venait de se produire du côté du Monténégro ; désirant pour éviter la cession de Dulcigno mettre immédiatement à exécution l’arrangement du 18 avril, le Sultan avait, avant-hier même, télégraphié au Chef de la ligue en l’adjurant au nom de Dieu et du Prophète de ne pas le perdre, en poursuivant leur opposition. Les Albanais n’avaient tenu aucun compte des instances du Sultan. Répondant d’ailleurs aux considérations que j’ai longuement développées sur les dangers que ferait naître la résistance de la Porte au verdict des Puissances, Abeddin Pacha m’a déclaré que la perte de l’Epire entraînerait fatalement pour la Turquie celle de l’Albanie qui, se voyant abandonnée par le pouvoir central, ne manquerait pas de s’en affranchir, et de se donner, soit à l’Autriche, soit à l’Italie, soit enfin à la Grèce. L’Albanie étant d’ailleurs la seule province utile qui restât à l’Empire en Europe, le démembrement serait accompli de fait, soit que la Porte cédât, soit qu’elle résistât aux décisions de Berlin. Son avis personnel était qu’elle devait succomber avec honneur et c’était, a-t-il ajouté,

  1. Le 29 juin, à 8 h. 30 du soir, M. de Freycinet avait télégraphié à M. Tissot : « Vous avez parfaitement bien fait de dire à Abeddin Pacha que le seul moyen pour la Porte ottomane d’éviter le démembrement est d’accepter la médiation de la Conférence de Berlin. »