Page:Dodge Stahl - Les Patins d argent.djvu/146

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fit un effort et commença d’une voix un peu troublée par l’émotion :

« La lune de minuit put voir la silhouette solitaire de l’enfant, non plus à cheval sur la crête de la digue comme au début de sa faction, mais couché sur cette crête, le bras étendu, immobile, le doigt toujours dans le trou. Le petit martyr avait la tête baissée, mais il ne dormait pas, car, de temps en temps, sa main gauche frottait fiévreusement son bras droit rivé à la digue, et parfois aussi le visage de Robert, c’était le nom de l’innocent, se retournant vivement à quelque bruit réel ou imaginaire, apparaissait pâle et couvert de larmes à l’astre des nuits.

« Qui saura jamais les douleurs de cette longue et cruelle veillée ! Qui pourra dire les alternatives de courage et de défaillances de ce petit cœur intrépide, quand durant cette nuit terrible, il songeait à son bon lit qui l’attendait à la maison, à son père, à sa mère, à ses sœurs et à ses frères endormis. S’il retirait son doigt de ce trou, les eaux rendues plus furieuses par sa longue résistance, – il le pensait ainsi, – se précipiteraient soudain et ne s’arrêteraient que lorsqu’elles auraient balayé la ville entière. Oh oui ! il resterait là jusqu’au jour – s’il n’était pas mort avant ! – Certes, il n’était pas assuré de vivre jusque là. Que signifiait cet étrange bourdonnement dans ses oreilles ? Et puis ces douleurs aiguës qui semblaient le traverser des pieds à la tête ? Son doigt aussi avait enflé. Est-ce qu’il pourrait le retirer quand même il le voudrait ?

« Cependant il demeurait pour le salut de tous.

« Au point du jour, un bon prêtre qui revenait de passer la nuit au chevet du lit de l’une de ses ouailles malades, crut entendre dans le silence du matin et tandis qu’il marchait sur la partie supérieure de la digue, de sourds et faibles gémissements. Se penchant en avant, il vit l’enfant qui paraissait se tordre dans la douleur.