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Page:Dodge Stahl - Les Patins d argent.djvu/150

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derrière les traîneaux à un cheval chargés bien haut de tourbe ou de bois, qui suivaient avec précaution, sur la glace, le chemin indiqué pour eux comme étant le plus sûr.

De belles dames à la démarche royale étaient là ; le plaisir brillait dans leurs calmes regards. Parfois une longue file de jeunes gens, se tenant par les basques de leurs habits, volaient rapides comme l’étincelle électrique ; puis on entendait crier la glace sous le ysselde d’une bonne grand’mère somptueusement parée, ou sous celui d’un riche bourgmestre. Le fauteuil devait être lourd, chargé comme il l’était de coussins et de chaufferettes, sans compter Madame la bourgmestre qui n’était pas mince. Monté sur des lames brillantes, il glissait, poussé par quelque domestique, raide comme un mannequin, et qu’on eût pris pour tel, s’il n’eût jeté de temps en temps des regards de mauvaise humeur sur la troupe de petits démons braillards qui leur faisait invariablement office d’avant-garde.

Les bons bourgeois offraient l’image parfaite d’un bonheur paisible. La plupart avaient l’air vieux avec leurs jaquettes de laine, leurs pantalons larges et leurs grosses boucles d’argent. Ils faisaient à Ben l’effet d’énormes petits garçons devenus hommes tout à coup et portant les habits de leurs grands-pères. Tous avaient des pipes à la bouche et fumaient comme des locomotives. On voyait là, réunies, la plus grande variété de pipes du monde entier, depuis la pipe de terre commune, jusqu’à celles d’écume, montées en or ou en argent. Quelques-unes avaient les formes les plus excentriques ; elles représentaient des oiseaux, des fleurs, des têtes d’animaux, des portraits d’hommes célèbres et une foule d’autres choses. Les unes étaient rouges, les autres du blanc le plus pur ; mais les plus respectables étaient celles qui prenaient les teintes brunes de la