Page:Dodge Stahl - Les Patins d argent.djvu/252

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Quiconque eût vu ce soir-là les Brinker mangeant leur souper frugal, n’eût pu se douter qu’il y avait tout près d’eux des mets délicats. Hans et Gretel fixaient bien de temps en temps les yeux sur le buffet, tout en buvant leur tasse d’eau et en mangeant leur petite portion de pain noir ; mais ils ne songeaient pas, même en pensée, à priver leur père de la moindre parcelle de ces choses délicates.

« Il a mangé son souper avec appétit, dit dame Brinker en désignant le lit d’un signe de tête, puis il s’est endormi tout de suite. Le cher homme sera faible encore longtemps. Il faisait mine de vouloir se relever, mais j’ai fait semblant de l’écouter et de tout préparer et il s’est endormi. Rappelez-vous cela, ma fille, quand vous aurez un mari à vous (il pourra se passer bien des jours auparavant), rappelez-vous que vous ne serez jamais maîtresse par la contrariété. La femme humble est maîtresse du mari. – Ta, ta, n’avale plus de telles bouchées d’un coup, mon garçon ; je ferais un repas de deux comme celles-là. Qu’est-ce que tu as donc, Hans ? On dirait que tu découvres des toiles d’araignée sur le mur.

— Oh non ! mère, je pensais seulement.

— Tu pensais, à quoi ? Ah ! ce n’est pas la peine de le demander, ajouta-t-elle d’un air contristé. Il n’y a pas de honte à croire que nous aurions pu entendre ton père nous parler des mille florins ; mais pas un mot — non, – il est évident qu’il ignore complètement ce qu’ils sont devenus. »

Hans leva les yeux avec inquiétude, craignant que sa mère ne se montrât trop excitée, comme d’habitude, lorsqu’elle parlait de leur épargne perdue ; mais elle grignotait son pain en silence en fixant tristement les yeux sur la fenêtre.

« Mille florins, dit une voix faible qui partait du lit.