Page:Dodge Stahl - Les Patins d argent.djvu/30

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des ouvriers, sortes de douaniers de l’eau, sont échelonnés le long des endroits menacés qu’on surveille nuit et jour. Lorsqu’on sonne le signal du danger, tous les habitants se précipitent pour porter secours et s’unir contre l’ennemi commun. La paille est de toutes choses la plus utile contre l’eau ; on en fait en Hollande la principale force à opposer à la marée envahissante. Des paillassons immenses sont appliqués contre les digues ; une fois ajustés et consolidés avec des poutres, de la terre glaise et des pierres, ils parviennent à défier les efforts de l’Océan.

Raff Brinker, le père de Gretel et de Hans, avait été pendant de longues années employé aux digues. Un jour, pendant un orage terrible, on était menacé d’inondation ; il travaillait à un poste d’honneur si dangereux, qu’on le lui avait assigné comme au plus brave, au milieu des ténèbres et sur le verglas. Il s’agissait de consolider le point capital de l’empellement d’un lac, lorsque la terre manquant sous lui, il tomba, debout sur ses jambes, d’une hauteur considérable, et fut ramené chez lui dans un état complet d’insensibilité. À partir de cette heure, il ne travailla plus : quoiqu’il fût vivant, son esprit et sa mémoire étaient éteints. La commotion avait été telle que le cerveau fut instantanément paralysé.

Sa fille Gretel ne se le rappelait pas autrement que comme un homme silencieux dont les yeux mornes la suivaient quelque part qu’elle se tournât : mais Hans avait souvenir d’un père vigoureux qui n’était jamais fatigué de le porter sur ses épaules et dont la voix joyeuse lui chantait une chanson, qu’il lui semblait encore entendre résonner à son oreille, pendant les nuits où il ne dormait pas.

Dame Brinker, privée de l’aide de son mari, élevait seule sa famille avec le mince profit qu’elle tirait de la culture d’un petit jardin, ainsi que de ce qu’elle pouvait