Page:Doesburg - Classique-Baroque-Moderne, 1921.djvu/12

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donnent même pas la peine d’examiner sérieusement et objectivement, d’après sa signification réelle, tout ce qui s’éloigne du point fixe d’où ils espèrent dominer du regard l’évolution de l’art. Élevés dans une admiration sans bornes pour tout ce qui est ancien, ils considèrent chaque nouvelle manifestation de l’art comme une dégénération et une décadence.

Il est vrai que vous avez le droit de me demander pourquoi cette division de l’art en stades d’origine, d’épanouissement et de décadence est inexacte. Ma réponse sera qu’elle est inexacte, d’abord parce qu’aucun stade de développement ne peut être séparé nettement de celui qui précède. Le stade de naissance est en même temps la fin du stade précédent, donc, suivant la division dogmatique, de celui de la décadence ; chaque stade de décadence est en même temps un stade de naissance etc. Ensuite, parce que cette division ne tient pas compte du fait que tout nouveau point de vue dans l’art n’est atteint que par bonds, donc par la voie de la mutation. Et, en dernier lieu, parce que cette division doit contribuer à paralyser le développement constant de l’énergie artistique, qui, malgré tous les dogmes et toutes les traditions, ne vise qu’à la conséquence logique de l’idée artistique. Je parle ici d’un développement constant de l’énergie artistique, c’est-à-dire d’un progrès constant qui n’est pas compatible avec l’idée de la répétition ininterrompue des périodes d’origine, d’épanouissement et de décadence, parce que dans ce développement constant il ne peut être tenu compte que des personnalités les plus fortes qui se transmettent continuellement leurs découvertes.