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enfantillage et obtint du Bureau de bienfaisance notre transfert à Amsterdam.

On avait trouvé place, pour nous et notre pauvre mobilier, sur une barque de transport de marchandises. Ce fut un soir que deux employés du Bureau de bienfaisance vinrent nous chercher pour nous embarquer. Ma mère avait ma sœur Naatje au sein ; les employés, très gentils, tenaient les quatre autres enfants par la main.

C’était à marée basse ; il fallait descendre une grande échelle ; je me rappelle très bien l’épouvante que nous éprouvâmes devant cet abîme noir : un de mes frères criait « qu’il ne voulait pas aller sous l’eau chez père » ; moi, comme d’habitude, je tremblais et essayais de faire la brave. On nous descendit un à un et l’on nous fit entrer dans la cabine commune : il n’y avait d’alcôves que pour le personnel, et rien pour nous asseoir. Les bateliers étaient visiblement ennuyés de cette marmaille qui pleurait, faisait pipi… et le reste.

La barque se mit en route. Nous étions affalés sur le plancher ; ma mère s’y assit à son tour, étala autour d’elle ses jupes sur lesquelles nous nous couchâmes tous, la tête dans son giron ; Naatje tétait toujours. Je ne pus dormir ; je n’avais que cinq ans, mais je me souviens très