Page:Doff - Jours de famine et de détresse, 1943.djvu/74

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— Oui, Mademoiselle. Mes bas sont mouillés parce qu’il y a des trous dans mes sabots.

Elle continua de passer à l’amidon ses bonnets blancs, et le devant de chemise que son mari portait le dimanche. Ses mouvements étaient mous, mais sûrs. Elle était vêtue, comme toujours, d’un jupon de mérinos noir, large de six aunes, et d’un caraco en indienne lilas, dont le corsage aux épaules tombantes et les basques descendant jusqu’aux genoux, se fronçaient autour de la taille. Comme chaussures, des bas blancs et des pantoufles en tapisserie verte, à fleurs rouges. Autour du cou dégagé, elle portait un collier de quatre rangées de coraux, à fermoir en filigrane d’or ; aux oreilles, de longs pendants en corail. Elle était coiffée de bandeaux blond sable, luisants de pommade, qui lui couvraient les oreilles, et d’un bonnet blanc tuyauté dont les brides pendaient sur le dos. Le frémissement continu de ses narines dilatées et son regard bleu qui vous jaugeait, me causaient toujours un malaise : je n’aurais pas aimé la fâcher.

La bonne chaleur du poêle me tapa légèrement à la tête : tout me sembla voilé. Je regardais avec étonnement, à chacune de mes visites, cette chambre, au plafond bas à poutres couleur