Page:Doff - Jours de famine et de détresse, 1943.djvu/80

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pas cette bêtise ! Nous sommes dans une panne noire : voyez mes sabots. Elle n’ira donc pas acheter des enfants : nous en avons du reste huit.

— Bon Keetje, bon. Approche-toi du feu. Quel mauvais temps, n’est-ce pas, mon enfant ?

Elle ne craignait pas que je salisse son parquet.

J’étais bien plus à l’aise chez elle, mais je préférais l’autre chambre. Ici, des bottines traînaient sous la table, le châle sur une chaise, des chapeaux sur des meubles, et des joujoux d’enfant dans les coins. Elle-même avait une vieille robe noire tachée, et les cheveux dans des papillotes.

Mais sur le poêle, des pommes de terre bouillaient, et des boulettes de viande rissolaient dans une lèchefrite. Ma bouche se remplissait d’eau. Il y avait neuf boulettes : une par enfant, deux pour chacun des parents. Si Mademoiselle Rendel avait pris un grain de chacune, elle aurait pu en faire une de plus et me l’offrir. Ça doit être bon, d’après l’odeur. C’est étrange ! Comment s’arrangent-ils donc tous pour avoir ces bonnes choses ? Chez nous, il n’y a jamais rien, même pas à nos anniversaires, ni à la Saint-Nicolas, ni à la Noël, jamais, jamais ! et ailleurs