Page:Doin - Le conscrit ou le Retour de Crimée, 1878.djvu/33

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Julien (riant).

Peinture ? qui ça ? les chevaux ?

Criquet.

Eh ! non, Julien, la voiture… Et pis y en avait une autre des voitures, ousse qu’y avait un tas d’musiciens qui faisaient un tapage à casser les vitres… enfin, y avait rien d’plus beau d’les entendre souffler dans des grandes machines en cuivre jaune !…Donc, l’dimanche, j’voulais faire voir tout ça à la Rose, vlà donc que j’pars pour aller la chercher ; j’avais mis mes culottes à raies rouges, mon gilet tricolore, mon chapeau ben r’tapé avec un ruban jaune large de ça… J’arrive chez la Rose… j’tape… j’cogne, bernique !… visage de bois… j’appelle, j’crie comme un sourd… rien… rien… la sueur me coulait comme un déluge… j’parcours le village comme un insensé… j’appelle encore la Rose à grands cris… et… et… j’apprends qu’la scélérate s’avait enfuite entre la clairinette et l’gros tambour !!! aussi, t’nez, d’pis c’temps-là, je m’f’rais des bosses grosses comme ça qu’je me servirais jamais des vulnéraires ni des onguents de tous les charpatrans !

Julien.

Pauvre Criquet !… Mais depuis ce temps-là, tu t’es consolé ?

Criquet.

Oh ! non ! pas trop… surtout quand je r’garde mon chien Zozor qu’la Rose m’avait donné comme un gage de sa fidélité,… quand j’le regarde… c’pauvr’ animal, y me r’garde avec des yeux tristes, ça m’en fait un mal de chien !

Robert (regardant au fond).

Eh ! mais, qu’est-ce que j’entends ? quel est ce bruit ?

Criquet (y allant).

Eh ! eh ! je n’me trompe pas, c’est parrain avec tous les amis qui viennent vous chercher !… Vive la joie… pus d’chagrin !… oh ! hé ! oh ! hé ! arrivez ! arrivez, les v’là ! les v’là ! nos deux amis !…