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Page:Doin - Le conscrit ou le Retour de Crimée, 1878.djvu/5

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Julien.

Moi, peur ?… oh ! non, sergent, vous ne comprenez pas mes paroles. J’aime la France, je donnerais mon sang pour elle ; mais si je dis que j’aime mieux rester au pays, c’est que je suis le seul soutien de ma pauvre vieille mère infirme !… Oh ! sans cela, j’endosserais vivement le costume militaire.

Lavaleur, (lui frappant sur l’épaule).

Allons, allons ; voilà qui me raccommode avec toi ; un bon fils, c’est comme un bon soldat, il se fera aimer de tous.

Lefuté.

On dit, sergent, qu’il y a déjà eu des batailles ?

Lavaleur.

J’crois ben, mille bombes ! Et de dures, encore ! À Inkermann, surtout… C’est là qu’ça ronflait, allez !

Lefuté.

Vous y étiez, sans doute ?

Lavaleur.

J’m’en flatte et j’m’en glorifie !… Cré coquin ! quand j’y pense, y m’semble que j’y suis encore ! Ah ! ça marchait !… ça ronflait !

Robert.

Racontez-nous donc ça, sergent.

Lavaleur.

Volontiers, mon brave !… Donc, c’était vers le soir… nous étions sous nos tentes… la pluie tombait… tombait… on n’aurait pas mis un chien dehors… quand tout à coup… le brutal…

Robert.

Le brutal !… qu’est-ce que c’est que ça, que le brutal ?

Lavaleur.

Le brutal, mon garçon, c’est le canon… c’est une ma-