Page:Dollier de Casson - Histoire du Montréal, 1640-1672, 1871.djvu/10

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œuvre et l’offrait pour cette effet à la compagnie naissante du Montréal, aussy était-ce un homme digne de sa main, il était aisé à voir qu’il en venait et était propre à réunir les desseins qu’il avait sur cette compagnie à l’égard de cette Isle, elle luy avait fait commencer le métier de la guerre dans la Hollande dès l’âge de treize ans afin de lui donner plus d’expérience, elle avait eu le soin de conserver son cœur dans la pureté au milieu de ces pays hérétiques et des libertins qui s’y rencontrent, afin de le trouver par après digne d’être le soutien de sa foi et de sa religion ou ce nouvel établissement, elle le tint toujours dans une telle crainte des redoutables jugements derniers que pour n’être pas obligé d’aller dans la compagnie des méchants se dévertir, il apprit à pincer du luth, afin de passer son temps seul lorsqu’il ne se trouverait pas d’autres camarades, quand le temps fut venu auquel elle voulait l’occuper à son ouvrage, elle augmente tellement en lui cette appréhension de la divine justice que pour éviter ce monde perverti qu’il connaissait, il désira d’aller servir son Dieu dans sa profession dans quelques pays fort étrangers. Un jour, roulant ces pensées dans son esprit elle lui mit en main chez un avocat de ses amis une relation de ce pays dans laquelle il était parlé du père Ch. Lallemand, depuis quelque temps revenu du Canada ; la-dessus il pensa à part sai que peut être dans la nouvelle France, il y avait quelques employs ou il pourrait s’occuper selon Dieu et son état parfaitement retiré du monde, pour cela, il s’avisa d’aller voir le père Ch. Lallemant auquel il découvrit l’intime de son âme ; le père jugeant que ce gentilhomme était le véritable fait des messieurs du Montréal, il le proposa à M. de la Doversière lorsqu’il en parla comme nous l’avons dit ci dessous, ce qui réussit à son extrême joie ainsi que nous l’avons déjà remarqué et ce qui causa des contentements indicibles à tous messieurs les associés particulièrement lorsqu’ils apprirent les avantageuses qualités qui brillaient dans ce commandant que la providence leur donnait en ce pressant besoin ; il est vrai que la joie qu’ils en conçurent s’augmenta encore beaucoup quand ils le connurent plus à fond ; quoique ce qu’ils remarquaient dans sa personne ne fut qu’un bien léger rayon de ce qu’il a fait paraître ici en lui ; on a vu en sa personne un détachement universel et non pareil, un cœur exempt d’autres appréhensions que celles de son Dieu, et une prudence admirable, mais entre autres choses, on a vu en lui une générosité sans example à récompenser les bonnes actions de ses soldats, plusieurs fois pour leur donner des vivres, il en a manqué lui-même, leur distribuant jusqu’aux mets de sa propre table ; il n’épargnait rien pour faire gagner quelque chose quand les sauvages venait