Page:Dollier de Casson - Histoire du Montréal, 1640-1672, 1871.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le 18 juin du même an, il y eut un autre combat qui fut des plus heureux que nous ayons eu, car un très-grand nombre d’Iroquois ayant attaqué quatre de nos Français, ces quatre hommes se jettèrent dans un méchant petit trou nommé redoute, qui était entre le château et un lieu appelé la Pte. St. Charles au milieu des abatis et… là résolus de vendre chèrement leur vie, ils commencèrent à la disputer à grands coups de fusils ; à ce bruit un de nos anciens habitants nommé Lavigne accourut tout le premier étant le plus proche du lieu attaqué, ce qu’il fit avec une audace surprenante et un bonheur admirable, car passant seul avec une légèreté et une vitesse extraordinaire par dessus tous les bois abattus, pour venir à ses camarades, il donna en quatre embuscades Iroquoises les unes après les autres et essuya 60 à 80 coups de fusil sans être blessé et sans s’arrêter aucunement, jusqu’à ce qu’il eut joint ces pauvres assaillis, qui ne furent pas peu animés par son courage. Ce tintamarre ne fut pas longtemps sans émouvoir nos Français qui étaient toujours prêts de donner, s’en vinrent secourir nos gens par l’ordre de M. le Gouverneur. Ensuite les Iroquois ayant imprudemment laisser aller leurs coups de fusils à la fois, nos Français qui eurent plus de patience les tuèrent alors à plaisir. Les Iroquois se voyant tomber de tous côtés par leurs décharges ne songaient plus qu’à s’enfuir, mais comme les arbres étaient abattus et fort gros, à mesure qu’ils se levaient pour s’en aller en les faisait descendre à coups de fusil, enfin ils y laissèrent parmi les morts vingt-cinq ou trente des leurs sans les blessés qui s’en allèrent. Mais passons outre et disons que les Iroquois ensuite à force de nous inquiéter, obligèrent cette année Mlle  Mance de quitter l’hôpital pour venir au château, et que tous les habitants furent obligés d’abandonner leurs maisons, que dans les lieux que l’on voulut conserver, il fallut y mettre des garnisons ; tous les jours on ne voyait qu’ennemis, la nuit on n’eut pas osé ouvrir sa porte et le jour on n’eut pas osé aller à quatre pas de sa maison sans avoir son fusil, son épée et son pistolet. Enfin comme nous diminuions tous les jours et que nos ennemis s’encourageaient, par leur grand nombre, chacun vit bien clairement, que s’il ne venait bientôt un puissant secours de France, tout était perdu ; Mlle  Mance considérant et pesant cela dit à M. de Maison-Neufve qu’elle lui conseillait d’aller en France, que la fondatrice lui avait donné 22,000 livres pour l’hôpital, lesquels étaient dans un certain lieu qu’il lui indiqua qu’elle les lui donnerait pour avoir du secours, pourvu qu’en sa place on lui donna cent arpents du domaine de la seigneurie, avec la moitié des bâtiments, qu’encore cela ne valut pas les 2,2000 livres elles ne croyait pas y regarder de si près, parceque si cela