eu l’un et l’autre de ces deux lieux qui étaient les deux frontières de Montréal ; Il est vrai qu’il leur en a bien coûté, surtout les deux
premières années à cause d’une pieuse tromperie que leur fit Mr. H
de la Doversière, qui sachant la nudité où tous les habitants étaient
alors, leur dit qu’ils n’auraient pas besoin de mener beaucoup de
gens, qu’ils en trouveraient assez au Montréal pour faire leurs travaux, qu’ils n’avaient qu’à bien porter des étoffes et des denrées,
que moyennant cela, ils feraient subsister les habitants du lieu et
feraient faire en même temps ce qu’ils voudraient : Il est vrai que
l’intention fut bonne, car ils trouvèrent un chacun ici dans un tel
besoin de ces deux choses que sans ce secours, il n’y eut pas eu
moyen d’y résister ; La providence est admirable qui prévoit à
tout ; Pour les autres années ces messieurs firent venir une quantité
de domestiques à cause de la grande chèreté des ouvriers qui
dans la suite n’ayant pas de si mauvaises années ont été bien aise
de travailler plus pour soi que pour autres ; puisque le Montréal
se trouve ici pauvre en ce qui regarde l’histoire ; passons un peu
en France et voyons s’il ne s’y fait rien à son sujet qui nous donne
lieu de nous entretenir, surtout voyons ce qui arriva à Mlle. Mance, et disons ce qui lui arriva pendant le séjour qu’elle y fit, ce qui se
passa de la sorte. Elle ne fut pas plus tôt à Larochelle que prenant
un brancard à cause que l’état où était son bras ne lui permettait
pas une autre voiture, elle alla droit à la Flèche trouver Mr. de la Doversière qui lui fit un visage fort froid, à cause de quelques mauvais avis qu’on lui avoit donné du Canada, appuyé de cette nouvelle, il croyait que cette demoiselle venait lui faire rendre
compte afin de se détacher de la compagnie et qu’elle vouloit
d’autres filles pour l’assistance de l’hôpital du Montréal que celles
qui avaient été choisies par les associés. Voilà le rafraîchissement
que cette infirme eut à son arrivée pour la délasser des travaux de
son voyage ; mais enfin le tout étant éclairci, on se rapaisa et l’union fut plus belle que jamais, si bien qu’elle se vit en état de
partir en peu de jours pour Paris, plus joyeuse qu’elle ne se vit
à son arrivée à La Flèche. Étant à Paris, elle vit aussitôt Mr. de Breton Villiers le supérieur du Séminaire de St. Sulpice et Madame sa chère
fondatrice qu’elle rendit témoin oculaire de son pitoyable état
auquel ils prirent une part bien singulière. Quelques jours après,
elle vit tous les Messieurs de la compagnie du Montréal assemblés
auxquels elle fit un fidèle rapport des choses comme elles étaient
ici, après cela, elle leur témoigna bien au long, l’impossibilité où elle était de subvenir à l’hôpital si elle n’était secourue ; qu’elle
croyait que le temps était venu d’envoyer ces bonnes filles sur
lesquelles Mr. Ollier et tous avaient jeté la vue, qu’elle ferait son
Page:Dollier de Casson - Histoire du Montréal, 1640-1672, 1871.djvu/73
Aller à la navigation
Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
