Page:Dollier de Casson - Histoire du Montréal, 1640-1672, 1871.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

grand mérite nommé le père Rupiere,[1] vint à Paris. Or comme elle le connaissait d’abord, elle le visita et lui dit les choses comme elles étaient ; à quoi il répondit, qu’approuvant son dessein et son abandon entre les mains de Dieu ; que cela étant bien, qu’il fallait ainsi qu’elle s’oublia elle-même mais qu’il était bon que d’autres en eussent le soin nécessaire ; c’est ce qui arriva par le ministère de ce saint homme, lequel quelques jours après, lui demanda qu’elle eût à se tenir prête pour aller chez Mme de Bullion, quand on la viendrait quérir ce qui fut l’après-midi ; quand elle fut arrivée, elle trouva son bon père Rapine avec cette pieuse Dame, laquelle prit grand plaisir à l’entretenir, jouissant entièrement avec elle de l’abandon où elle se trouvait au bon plaisir de Dieu, ensuite après avoir beaucoup causé avec elle la congédia la priant de la revenir voir ; à sa quatrième visite elle lui demanda si elle ne voudrait pas prendre le soin d’un hôpital dans le pays où elle allait, parce qu’elle avait l’intention d’en fonder un, avec ce qui serait nécessaire pour sa propre subsistance, que pour cela elle eut été bien aise de savoir qu’elle était la fondation de l’hôpital de Kébecq faite par Mlle d’Aiguillon.[2] Mademoiselle Mance lui avoua que la faiblesse de sa complexion jointe à sa mauvaise santé depuis 17 ou 18 ans ne devaient pas lui permettre de faire grand fond sur sa personne, que cependant elle s’abandonnait entre les mains de Dieu pour l’exécution de ses bons plaisirs, tant à l’égard des pauvres, que de tout ce qu’il lui plairait ; que quand à la fondation l’hôpital de Québec, elle ne savait pas laquelle elle était, mais a qu’elle s’en informerait. Ensuite elle continua toujours ses visites à cette bonne dame, à laquelle elle dit après s’en être soigneusement enquise à quoi se montait la fondation de l’hôpital de Kébecq, cette Dame l’ayant appris, elle donna des témoignages qu’on en devait pas moins attendre de sa libéralité. Enfin après toutes ces visites le printemps arriva auquel il fallait exécuter les desseins de Dieu ; il n’était plus temps de parler, il fallait agir, c’est à quoi notre demoiselle se prépare avec une gaieté et promptitude non pareille ; elle alla pour cet effet prendre congé de sa dame qui lui donna une bourse de 1200 livres en lui disant : « Voici les arrhes de notre bonne volonté en attendant que nous fasions le reste ; ce que nous accomplirons lorsque vous m’aurez écrit du lieu où vous serez et que vous m’aurez mandé l’état de toutes choses. »

  1. Le R. P. Rapin, provincial des Récollets.
  2. La Duchesse d’Aiguillon fonda l’Hôtel-Dieu de Québec le 16 avril 1637, mais ce ne fut que le premier août 1639 que les premières Hospitalières arrivèrent à Québec pour commencer leur œuvre.