Page:Dollier de Casson - Histoire du Montréal, 1640-1672, 1871.djvu/30

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chercher, ils importunaient tellement M. de Maison-Neufve pour aller en partie, disant qu’il n’y avait aucune apparence à s’entendre fusiller chaque jour et de demeurer néanmoins dans la modération et de ne les oser poursuivre jusqu’à la portée du fusil des bois ; M. de Maison-Neufve leur disait de son côté :

« Les poursuivant comme vous le souhaitez, nous ne sommes qu’une poignée de monde peu expérimentés au bois, nous serons surpris dans une embuscade là où il y aura vingt Iroquois contre un Français ; au reste, prenez patience, quand Dieu nous aura donné du monde, nous risquerons ces coups, mais maintenant, ce serait imprudemment hazarder la perte de tout à une seule fois, ce qui serait mal ménager l’ouvrage dont j’ai la conduite. » Tout cela ne servait de rien à nos bouillants Français sinon à faire croire que M. de Maison-Neufve appréhendait de s’exposer ; de quoi on commença à murmurer au fort, que cela étant venu à sa connaissance, il crut qu’il valait mieux hasarder imprudemment une bonne fois, que de les laisser dans cette croyance qui nuirait à jamais et serait capable de tout perdre. Résolu donc à la chose, voici ce qui arriva : Le trentième jour de mars, les chiens qui tous les matins faisaient une grande ronde pour découvrir les ennemis, sous la conduite d’une chienne nommée Pilotte, laquelle pillait fortement à son retour ceux qui avaient manqué à la compagnie, se mirent à crier et hurler de toutes leurs forces, faisant face du côté où ils sentaient les ennemis. Or, comme l’expérience journalière avait fait connaître à tout le monde cet instinct naturel que Dieu donnait lors à ces animaux pour nous garantir de mille embuscades que les barbares faisaient partout, sans qu’il fût possible de s’en parer, si Dieu n’y avait pourvu par les hurlements favorables : d’abord que nos gens les entendaient, soudain, pleins de feu, ils accouraient suivant la coutume, vers M. de Maison-Neufve, lui disant, « Monsieur : les ennemis sont dans le bois, d’un tel côté, ne les irons nous jamais voir ? à quoi il repartit brusquement contre son ordinaire : oui, vous les verrez, qu’on se prépare tout à l’heure à marcher, mais qu’on soit aussi brave qu’on le promet ; je serai à votre tête ; »

D’abord un chacun se disposa, mais comme on avait que très peu de raquettes et que les neiges étaient encore hautes, on ne pouvait pas bien s’équiper, mais enfin ayant mis son monde dans le meilleur ordre qu’il put, il marcha avec trente hommes vers les ennemis, laissant le château et toutes autres choses entre les mains de d’Aillebout, auquel il donna ses ordres en cas d’événements ; étant entré dans le bois quasi aussitôt après, ils furent chargés par 200 Iroquois qui, les ayant vu venir s’étaient mis dans plusieurs embuscades propres à les bien recevoir. Le combat fut fort chaud.