Incontinent que M. de Maison-Neufve se vit attaqué, il plaça ses
gens derrière les arbres ainsi que faisaient les ennemis, et lors on
commença à tirer à qui mieux mieux, ce qui dura si longtemps
que la munition des nôtres manqua ; ce qui obligea M. de Maison-Neufve, lequel d’ailleurs était accablé parle grand nombre d’ennemis et qui avait la pins part de ses gens morts on blessés de penser
à la retraite comme à l’unique moyen de se sauver, lui et son
monde, ce qui était bien difficile à faire à cause de ce que nous
ôtions beaucoup engagés et que les antres étaient si bien montés
en raquette qu’à peine étions-nous de l’infanterie au respect de la
cavalerie ; quoiqu’il en fut, n’y ayant pas d’autres parties à choisir,
il commanda qu’on se retira, mais tout bellement, faisant face de
temps en temps vers l’ennemi, allant toujours vers un certain
chemin de traîne par lequel on emmenait le bois pour construire
l’hôpital ; à cause qu’il était dur et que leurs raquettes ne leur serait
pas nécessaires en ce lieu là pour bien aller ; chacun exécuta cet
ordre, mais à la vérité, plus précipitamment qu’il n’était porté.
Monsieur de Maison-Neufve voulant être le dernier en cette rencontre, il attendait que les blessés fussent passés avant de marcher :
quand on fut arrivé à ce chemin de traîne qui fut notre sentier de
salut, nos Français effrayés s’enfuirent de toutes leurs forces et
laissèrent M. de Maison Neufve fort loin derrière eux ; lui de temps
en temps, faisant face avec ses deux pistolets, crainte d’être saisi de
ces barbares qui étaient toujours sur le point de le faire prisonnier
Ils ne le voulaient pas tuer, parce que le reconnaissant pour le
gouverneur, ils voulurent en faire la victime de leur cruauté, mais
Dieu l’on garantit et cela de la façon que je vais dire : les Iroquois
ayant déféré à leur commandant cette capture, ils le laissèrent aller
un peu devant eux, afin qu’il eut l’honneur de le prendre, mais
celui qui voulait prendre fut pris, car M. le Gouverneur s’en trouvant
si importuné qu’il l’avait toujours sur les épaules, il se mit en devoir
de tirer, ce que ce sauvage voyant, il se baissa pour éviter le coup.
M. le Gouverneur ayant raté, cet homme se releva pour sauter sur
lui, mais en cet instant, il prit son autre pistolet et le tira si promptement et si heureusement qu’il le jetta tout raide mort. Or comme
cet homme était le plus proche de lui, il eut le loisir de prendre
un peu d’avance jusqu’à ce que les autres barbares étant venus à
leur commandant déjà expiré, soudain au lieu de le poursuivre, ils
chargèrent cet homme sur leurs épaules et l’emportèrent promptement
parce qu’ils avaient peur que quelque secours inopiné ne leur
vint ravir et que le corps d’un tel personnage ne tomba entre les
mains de leurs ennemis : ce ridicule procédé donna loisir à M. de Maison-Neufve de se rendre au fort, quoiqu’après tous les autres,
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