Que votre corps liant n’offre rien de pénible,
Et se ploie aisément sur le genou flexible.
Que les pieds, avec soin rejetés en dehors,
Des jarrets trop distans rapprochent les ressorts.
Que l’épaule s’efface, et que chaque partie,
En paroissant se fuir, soit pourtant assortie.
Quelque vice secret avec vous est-il né ?
Qu’avant le pli du tems il soit déraciné.
Profitez, profitez de ces jours de souplesse,
Où chaque fibre encor tressaille avec mollesse.
Quand l’âge roidira vos muscles engourdis,
Tous les moyens alors vous seront interdits.
Cet orme contrefait penche vers le rivage,
Et d’un tronc tortueux voit sortir son feuillage.
Il seroit aujourd’hui l’ornement du hameau,
Si l’art l’eût redressé, quand il fut arbrisseau.
Que vos pas soient précis : d’une oreille sévere
Calculez chaque tems, sans jamais vous distraire.
Vos talens, quels qu’ils soient, n’auront qu’un foible éclat,
Sans ce juge subtil, ce tact si délicat,
Que la nature même, à nos plaisirs fidelle,
Pour épier les sons, a mis en sentinelle.
Ce timpan sinueux, où tout va retentir,
Doit marquer la mesure et vous en avertir.
Un danseur sans oreille est la vivante image
D’un fou qui ne met point de suite à son langage,
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