Page:Dorat - Œuvres diverses, Neuchatel, 1775.djvu/59

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Votre rôle, votre art, vous, et le spectateur.
Tel l’illustre le Kain, dans sa fougue sublime,
S’empare de notre ame, et ravit notre estime.
Je crois toujours le voir, échevelé, tremblant,
Du tombeau de Ninus s’élancer tout sanglant ;
Pousser du désespoir les cris sourds et funebres,
S’agiter, se débattre à travers les ténebres,
Plus terrible cent fois que les spectres, la nuit,
Et les pâles éclairs, dont l’horreur le poursuit.
Tel est encor Brizard, lorsque du vieil Horace
Il peint l’ame romaine et l’héroïque audace,
Et que perdant deux fils immolés à l’honneur,
Dans le fils qui lui reste il embrasse un vainqueur.
Quel feu ! Quel naturel ! Quel auguste langage !
C’est le héros lui-même, et non le personnage.
Soyez impétueuse et vive en vos récits :
Les spectateurs soudain veulent être éclaircis.
Là, qu’un art déplacé jamais ne nous étale
Le traînant appareil d’une lente finale,
Et par la pesanteur d’un jeu soporatif,
N’aille point fatiguer le parterre attentif.
D’un combat engagé dans une nuit obscure
Venez-vous raconter l’effrayante aventure ?

Que votre jeu rapide et vos sons éclatans