Page:Dorat - Œuvres diverses, Neuchatel, 1775.djvu/63

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Du fard des fictions embellir ses tableaux.

Ici, vous croyez voir la reine de Carthage,
Le front environné d’un funebre nuage,
Luttant contre la mort, qu’elle porte en son sein ;
Trois fois elle se leve et retombe soudain.
Ses regards expirans, où l’amour brille encore,
Semblent redemander le héros qu’elle adore.
Elle pleure, soupire, et dans son désespoir,
Elle cherche le jour, et gémit de le voir.
Plus loin, c’est Niobé, cette femme orgueilleuse,
Cette mere superbe, et bien plus malheureuse.
Quel spectacle ! Elle s’offre à mes sens désolés,
Au milieu de ses fils, l’un sur l’autre immolés.
À force de souffrir, elle paroît tranquile :
Son front est abattu, son regard immobile ;
Elle reste sans voix ; l’excès de ses douleurs
A tari dans ses yeux la source de ses pleurs.
Ce taciturne effroi dit plus qu’un vain murmure ;
Là, j’admire, je vois, et j’entends la nature.
Qu’elle seule, toujours dirigeant votre feu,
Comme dans ces tableaux, brille dans votre jeu.
Voulez-vous qu’une reine, en secret agitée,
Dégoûtante de sang, de remords tourmentée,
Qui voit devant ses pas s’entre-ouvrir les enfers,
Observe, en expirant, la cadence d’un vers ?
Voulez-vous qu’une amante, au milieu des ténebres,