Page:Dorat - Œuvres diverses, Neuchatel, 1775.djvu/95

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Mais daigne enfin, quittant cette sphere hardie,
Assigner des leçons à notre mélodie.
De la scene lyrique, objet de mes travaux,
Étale à mes regards les magiques tableaux.
Dis-moi par quels secours, le chant, plein de ta flame,
Peut s’ouvrir par l’oreille un chemin jusqu’à l’ame ;
Ce qu’il doit emprunter, pour accroître son feu,
De l’esprit, de la force, et des graces du jeu.
Vous qui sur ce théatre oserez vous produire,
Reçûtes-vous des traits assortis pour séduire ?
N’allez point, sur la scene usurpant un autel,
Faire huer un dieu sous les traits d’un mortel.
Le monde où vous entrez est peuplé de déesses :
L’amour, en folâtrant, y choisit ses prêtresses.
Avec des traits flétris, un teint jaune et plombé,
Pourrez-vous, sans rougir, prendre le nom d’Hébé ?
D’un œil indifférent verrai-je une mulâtre
Appliquer à Vénus sa couleur olivâtre ;
Dans un char transparent, par des cignes traîné,
Fendre les airs, aux yeux de Paphos étonné,
Et rappeller en vain cet enfant volontaire,
Qui s’est allé cacher à l’aspect de sa mere ?
Que Flore à mes regards n’ose jamais s’offrir,
Sans me faire envier le bonheur de zéphir.
Sa bouche au doux souris, doit être aussi vermeille
Que les boutons de rose, épars dans sa corbeille.