Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/141

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Un lieutenant qui l’accompagnait ramassa avec empressement les épinoches.

— C’est pas la peine, fit maladroitement observer Lousteau, y en a déjà deux qui ne bougent plus.

— Ça ne fait rien, s’emporta le général, qui tapotait avec sa canne, elles seront mieux dans l’eau, mes pauvres petites bêtes…

Le dernier, qui frétillait encore, glissa des mains de l’officier. Tombé dans l’herbe, il remuait à peine, et, je ne sais pourquoi, je pensai à Roubion, que nous avions laissé dans le bois fleuri, battant faiblement l’air, d’un bras qui ne pouvait plus…

— Là… vous voyez… il se sauve, le pauvre petit, dit le général penché sur l’eau verdâtre, en regardant son petit poisson se faufiler sous les herbes… Pourquoi voulez-vous leur faire du mal à ces petites bêtes ?…

S’étant retourné, il remarqua nos écussons.

— Ah ! oui, dit-il en hochant la tête… C’est vous qui avez repris la mine… C’est bien dommage qu’on n’ait pas tout repris… Mais c’est bien tout de même, ce que vous avez fait. Tenez, je ne veux punir personne cette fois-ci… Filez vite et n’y revenez pas…


En poussant la grille rouillée qui grinçait, Lousteau me dit :

— C’est un bon vieux, dans le fond…