Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/27

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— De quoi ? Le nouveau aux distributions… Tu te fous de nous !

Et Sulphart indigné quitta son groupe de copains pour s’approcher du caporal.

— Un gars qui débarque, qui croit que les carottes ça pousse chez le fruitier, c’est tout ce que tu trouves pour envoyer aux distribes. Ah ! t’en connais des combines… Si les c… nageaient, t’aurais pas besoin de bateau pour traverser la Seine.

— Si tu veux y aller, je ne t’empêche pas, répondit posément Bréval.

— Sûrement que j’irai ! clama Sulphart. J’irai parce que je ne veux pas que l’escouade bouffe avec les chevaux de bois et que le gars m’a l’air foutu de choisir un morceau de barbacque comme moi de dire la messe.

Demachy, qui depuis son arrivée était abasourdi par les cris, les revendications bruyantes et les joies brutales du rouquin, chercha à se réhabiliter :

— Pardon, je vous assure que je saurai très bien. À la caserne…

Il s’y prenait mal. Le seul mot d’active ou de caserne suffisait à faire perdre la raison à Sulphart, qui avait passé ses trois ans à défendre fièrement la cause du droit contre des adjudants vindicatifs et des officiers mal intentionnés, qui envoyaient de préférence les bons soldats coucher à la salle de police les veilles de permission. La colère l’étrangla.

— La caserne !… Il s’croit encore à la caserne, l’autre crâne d’alouette… Ça débarque du dépôt et ça veut en remontrer à nous autres !… Eh bien ! vas-y, aux distributions, tiens, on rigolera… Les gars de