Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/29

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bouffer », il perdit la tête et la vida n’importe où : dans son sac avec les lentilles. Alors Sulphart éclata :

— Ça, c’est plus bath… Visez la gueule du cuistot s’il s’amuse à trier son riz et ses punaises… Non, quelle armée ! Et on parle de chasser les Boches ? Laissez-moi me marrer…

Agacé, le nouveau se retourna, tout rouge :

— Fiche-moi la paix, hein ! Tu n’avais qu’à y venir tout seul.

Sulphart, sans s’émouvoir, attendait la suite du partage. Il observait le caporal d’ordinaire qui jetait les morceaux de viande, les uns d’un beau rouge frais, les autres veinés de graisse, sur une toile de tente boueuse.

— On va tirer au sort, dit le cabot.

— Non, protestèrent plusieurs escouades, y en a qui truquent… Qu’on partage d’après le nombre d’hommes.

— Nous, à la deuxième, on est quatorze, je veux ce morceau-là.

— Et nous, alors, de la première…

Tous, penchés sur l’étal, les mains tendues, se disputaient d’avance la pâture en braillant sous les regards impassibles du fourrier.

— Vous avez fini de gueuler ? dit-il enfin. Je vais distribuer. Troisième escouade celui-là… Quatrième escouade… Cinquième…

Il n’eut pas le temps d’achever, ni de désigner le quartier du bout de son bâton. Avec un rugissement, Sulphart s’était rué dans le groupe :

— Non, braillait-il, j’marche pas… Vous voulez pas qu’on la crève à l’escouade. Ils profitent que c’est un