Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

riz au chocolat, il doit être pépère… Le bidon de pinard est à ras… C’est le copain qui a les lettres.

Mais il dit tout cela d’une voix pas naturelle, avec un air préoccupé que Vairon à son tour finit par remarquer :

— Vous en faites une drôle de gueule, leur dit-il gentiment… Qu’est-ce qu’il y a de cassé ?

Bouffioux hoche la tête, et sa grosse face, si reluisante que je l’ai longtemps soupçonné de se laver avec un morceau de lard, réussit presque à paraître soucieuse.

— On ne peut pas être content, répond-il comme à regret… Vous attaquez après-demain.

Un bref silence tomba sur nous : juste le temps que le cœur fasse toc toc. Plusieurs ont brusquement pâli ; d’imperceptibles petits tics : un nez qui se fripe, une paupière qui saute. Les cuisiniers nous dévisagent, en hochant la tête. On les regarde, voulant douter. Puis, d’un même mouvement, on se serre autour d’eux et des demandes se bousculent :

— T’en es sûr ? Mais on devait être relevés demain ! Pas possible, c’est un bobard… qui c’est qui t’a dit ça ?

Bouffioux, fort des vérités qu’il apporte, se tourne simplement vers son second :

— Ce que c’est pas vrai ?

L’autre confirme, d’une voix affligée :

— Vous pensez bien qu’on n’irait pas vous bourrer la caisse avec un machin comme ça. C’est tout ce qu’il y a de vrai et de sûr.

Broucke s’est réveillé tout seul et est sorti de son gourbi. Sulphart a reposé la gamelle où il allait faire