Page:Dorian - Inconnu, paru dans Gil Blas du 3 au 7 mai 1904.djvu/5

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ant une heure de sa vie, au Sahara, ce que l’épreuve, la misère et la lutte auraient pu faire de lui.

Et s’il avait écrit son livre avec passion, avec fièvre, c’est — chose bien curieuse — qu’il avait senti qu’il s’y révélait à lui-même.

Eh bien ! ce livre, qui nous montre un Dorian inconnu, je l’ai là, jusqu’à la dernière page, corrigé, imprimé, complet, avec le rapport officiel du député au ministre du commerce. Il avait reçu de lui — on le sait — la mission de chercher une voie qui pût relier le Sahara au Soudan. Tout est prêt. Le Temps réclamait encore l’autre jour la solution que Dorian préconise, que le pays attend… Et le livre ne paraît pas !

Je n’ai pas à en dire ici la raison, et je ne le ferai que s’il le faut et si l’on m’y contraint.

Si l’on s’oppose aujourd’hui à ce que l’admirable récit de ce sportsman, devenu une sorte de héros, aux côtés du commandant Lamy, paraisse enfin. Serait-ce parce qu’il contient toute une enquête, faite sur place par Charles Dorian, en qualité de secrétaire de Lamy, une reconstitution complète, avec interrogatoire d’indigènes, de l’affaire Voulet-Chanoine ? Oui, la vérité sur cet horrible drame est là, heure par heure, avec cartes, avec témoignages sous la foi du serment, avec les responsabilités terribles pesant sur des officiers encore vivants, tout cela est raconté dans ce livre.

Ce n’est pas un volume de scandale, pourtant : c’est un récit officiel : mais il est des jets de lumière qui, dirigés violemment et inopinément sur certaines ombres voulues, sont appelés à provoquer un sursaut de l’opinion publique.

Une telle œuvre peut-elle rester lettre morte ?

Que dois-je faire ? Voilà ce que je demande aux bons Français par l’organe de Gil Blas.

Dois-je obéir au vœu sacré de mon ami ?

Dois-je me taire, et considérer comme non avenue une œuvre aussi utile à mon pays ?

Le mieux n’est-il pas de faire ce que vous m’avez dit avec un grand sens ?

« Rendons juge le public français de la valeur de l’œuvre et, usant de votre droit de collaborateur et d’éditeur, publiez quelques feuilles de ce poignant récit.