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VENGEANCE FATALE

pouvaient réclamer le sacrifice de son bonheur, de toute sa vie, car sans Hortense, la vie n’était plus pour lui qu’un fardeau. Fallait-il donc faire une destinée lamentable à une femme dont le seul tort était d’être la fille de cet homme maudit ? Car elle m’aime, je le sais, et en me rendant à jamais malheureux, je détruirais en même temps le bonheur d’Hortense, d’Hortense que j’adore avec passion !

Puis le fil de ses idées le faisait penser à Mathilde. Celle-là non plus ne lui avait fait aucun mal. Fallait-il condamner ces deux sœurs à rougir de celui qui leur avait donné le jour ? Avait-il le droit de changer leur existence, dont le début ne promettait que joie et richesse, en un avenir de misère et de larmes ? Et cela pour sa vengeance personnelle, à lui ! Assurément, ce n’était pas le désir de sa mère de lui imposer un pareil sacrifice, ni à ces deux jeunes filles une aussi lamentable destinée. La justice ne serait plus qu’un vain mot. Il n’y aurait pas de Dieu !

Cependant, après avoir marché longtemps, toujours très lentement, s’arrêtant souvent, revenant quelquefois sur ses pas, Louis sortait de cette étrange hallucination qui avait pris chez lui les proportions d’un nuage. Arrivé devant un reverbère, il regarda à sa montre ; elle marquait deux heures et cinq minutes. Il fut lui-même étonné de la rapidité avec laquelle l’heure avait marché et résolut de reprendre le chemin du logis.

— Ce qu’il me faudrait, se disait-il, c’est un ami que je pourrais faire le confident sincère et fidèle de toutes mes afflictions. Je vais tout dire à Ernest, il a toujours