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VENGEANCE FATALE

— Bonjour M. Puivert, fit une voix tout à fait étrangère au fermier, qui, naturellement surpris, se prit à examiner ce nouveau personnage avec des yeux ébahis, tout en gardant le silence. Son interlocuteur était un homme paraissant assez robuste, bien fait de sa personne, mais dont la figure peu sympathique, du reste, produisait une impression fâcheuse, due principalement au manque de franchise de ses yeux et a un sourire presque continuel, méchant et railleur tout à la fois.

Voyant la persistance du fermier de Sainte-Anne à le regarder sans répondre à son salut amical, l’étranger lui adressa de nouveau la parole.

— Est-ce que vous ne me reconnaîtriez pas ? lui demanda-t-il. Vous êtes bien M. Puivert, le fermier de M. Darcy, à Sainte-Anne ?

— Vous ne vous trompez pas, je suis bien M. Puivert.

— Alors, vous ne pouvez avoir oublié votre courtier d’affaires chez qui vous déposez votre argent généralement quand vous venez à Montréal, Edmond Marceau ; vous êtes venu, encore tout dernièrement, à mon bureau sur la rue Notre-Dame !

— Ah ! en effet, je vous demande pardon, si je ne vous ai pas reconnu, mais l’obscurité dans ce wagon…

Disons tout de suite que le digne fermier de M. Darcy n’avait jamais vu ni connu Edmond Marceau, et qu’encore bien moins avait-il jamais déposé aucun argent chez lui, mais, pensant trouver une affaire dont peut-être il pourrait tirer quelque gain, (l’amour du gain et l’avarice étaient les principaux vices du fermier) il avait cru devoir répondre affirmativement au courtier.