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VENGEANCE FATALE

Pendant que Puivert se rend de l’Hôtel Rasco au bureau d’Edmond, nous l’y devancerons de quelques instants. Le courtier et son digne acolyte l’y attendaient déjà. Nous profiterons du retard apporté par le fermier pour tracer une esquisse de ces deux personnages.

Dès sa plus tendre enfance, Edmond avait fait preuve de grands talents ; malheureusement il les avait toujours employés au mal et au vice.

Jamais une bonne pensée n’avait germé dans ce cerveau entièrement dénué de sentiments généreux.

Orphelin de bonne heure, sorti du collège immédiatement après la mort de ses parents, il était entré dans une bijouterie à Montréal, qu’il abandonnait bientôt pour New-York, où il devait continuer le même commerce et commencer son apprentissage dans la voie du crime.

Un jour que laissé seul au magasin, ce qui, du reste, arrivait assez souvent, il se mit à contempler d’un œil avide les bijoux de toute sorte qui s’offraient à sa vue.

Tout à coup cette idée lui vint :

— « Si je m’emparais de toutes ces valeurs ! »

Mais, à cette idée avait succédé la réflexion suivante, quelquefois sauvegarde du crime : « Si j’étais pincé ; et d’ailleurs où cacher tous ces bijoux ? On aurait qu’à venir à mon domicile, et on les trouverait fort aisément, car je n’ai aucune autre place pour les déposer. Allons, ce serait une folie que de commettre un pareil vol. »

Il allait donc fermer la boutique comme à l’ordinaire, car il commençait à se faire tard, mais il ne pouvait détacher ses yeux des richesses qu’il avait devant lui.