Page:Dormienne - Les Caprices du sexe.djvu/56

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II

MÉTIERS…

Louise de Bescé ne retourna pas aux magasins de la Tour de Nesle. Mais elle ne trouva aucun négoce où l’on consentît à l’employer sans prendre des renseignements. La jeune fille connut donc promptement les conditions de vie faites partout aux vendeuses, comptables et manutentionnaires. Les salaires de famine qu’on allouait à ces malheureuses, choisies avec le même soin que s’il se fût agi d’une épouse de prince, avaient je ne sais quelle apparence ironique. La fille du marquis de Bescé commença seulement à comprendre la société.

Louise fut bientôt sans le sou. Elle défendit ses derniers billets avec âpreté, mais ils fondirent peu à peu. Alors sa lutte fut ardente. Son âme était combative et forte. Intelligente et douée du rare pouvoir de mettre sa volonté en accord avec son esprit, rien ne la décourageait. Elle tenta de travailler dans une entreprise financière. On l’y reçut avec des façons patelines et on la convoqua pour écrire des adresses sur des bandes de prospectus.

Après une journée de travail acharné, elle avait gagné quatre francs soixante centimes. En sus, la promiscuité du lieu, l’insolence des gens qui commandaient ce bétail humain, et la misère avachie des ouvrières de cet étrange travail lui apportèrent un dégoût invincible. Le hasard la conduisit ensuite dans une droguerie, pour y faire des emballages de « Pilules Khoku » contre le rhume, la constipation et les varices. C’était le remède à la mode. Une publicité énorme l’imposait à la crédulité des sots. On voyait dans toutes les rues de Paris des affiches