Page:Dormienne - Les Caprices du sexe.djvu/93

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Elle ne se dégoûtait pas plus évidemment d’embrasser une verge propre qu’elle ne répugnait à embrasser quelqu’un sur la bouche.

La peau humaine, disait-elle, est partout la même. Le sperme ne lui semblait même pas extrêmement différent de la salive, du sang ou des autres produits physiologiques qu’on entoure pourtant d’un moindre discrédit. Seul, le point de vue de dignité personnelle lui rendait déplaisants les contacts que leur seule posture rend fâcheux, lorsqu’ils sont consentis sans affection, ou même sans utilité et sans amusement. Accomplis pour vivre ou pour plaire, ou même pour se venger, c’était bon.

Songeant à Khoku, elle gardait donc quelque orgueil d’avoir pu mettre la bouche là où il fallait pour tuer dans la jouissance cette brute abjecte. Avec son jeune ami, que l’auto écrasait peu de jours après, elle avait consenti à le faire jouir avec sa bouche parce que c’était son début dans la recherche sexuelle du pain, et que sa force d’âme l’amenait alors au sacrifice le plus complet. Il lui plaisait, par énergie et orgueil, de se prouver qu’elle allait, dès l’entrée en ce métier, aux tréfonds de ses exigences, mais son ennui ne comportait aucun point de vue moral.

L’humiliation de la femme qui fait jouir un homme en lui suçant la verge ne l’atteignait pas. Au contraire, cet acte la rehaussait à ses propres yeux. Elle établissait de ce seul chef qu’une fille de Bescé ne se sent diminuée par rien. Pourtant, elle n’eût jamais voulu faire cela à Blottsberg.

Louise ne perdait donc rien de ses certitudes intimes. La vie la reforgeait sans aliéner son sentiment d’être une sorte de personnalité dominante. Elle pensait, malgré les responsabilités physiques qu’il comporte, pouvoir mener le métier de prostituée à une aristocratie. Avec une âme ainsi façonnée, elle ne se sentait pas du tout diminuée par l’affection de Blottsberg. D’ailleurs elle n’avait qu’à se laisser posséder par la bouche avide du ban-