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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

Et la pièce se termine par un appel au travail fraternel qui fécondera « l’Arbre de la Liberté »[1].

La page sur laquelle Leconte de Lisle venait d’écrire de tels vers n’était pas encore sèche qu’il reçut de France un mot d’encouragement. Un ancien camarade de Nantes devenu à Paris rédacteur du journal phalanstérien La Démocratie Pacifique[2], écrivit au poète bourbonnien que l’on était prêt à l’accueillir dans le parti Fouriériste, s’il consentait à rentrer en Europe et à combattre dans la phalange. À la minute où une proposition, qui venait combler tous ses vœux, lui apportait une chance imprévue d’élargir son horizon intellectuel, on le voit hésiter, et penser, tout d’abord, non à soi-même, mais au respect qu’il doit à sa foi politique. Il se demande, avec scrupule, si le fait qu’il partage entièrement les principes de l’École Sociétaire, l’autorise à se ranger sous la bannière de Fourier, « alors qu’il n’est pas d’accord avec les phalanstériens sur les applications qu’ils déduisent de leurs principes » :

« Je ne suis pas homme à écrire contre ma conscience en quoi que ce soit, dit-il, je sais que ces scrupules n’ont pas cours de notre temps, que cela prête à rire aux Macaires… Mais il faut s’y prendre à deux fois avant d’être forcé de se mépriser soi-même. »

Ceux qui avaient décidé de s’adjoindre ce collaborateur, dans lequel ils distinguaient des forces inépuisables d’ardeur et de conviction pure, recoururent, diplomatiquement, pour lever ces scrupules, au seul argument qui pouvait en triompher. Il ne s’agit pas des « … 1 800 francs d’appointements fixes par an », qu’ils offrent à Charles Leconte de Lisle, « en attendant mieux… », ni même de l’engagement « de respecter en

  1. Il existe deux autographes de ce poème, l’un est parmi les papiers que Leconte de Lisle a laissés. L’autre est au Lycée Leconte de Lisle à Bourbon.
  2. C’était le phalanstérien Villeneuve. Victor Considérant était le rédacteur en chef du journal.