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LES ORIGINES

que Leconte de Lisle causait à première vue, aussi bien que les fonds psychologiques de son caractère et de son talent.

Et tout d’abord, il convient de s’expliquer ici sur le sens précis de ce mot de « créole », dont on se sert trop souvent en Europe, particulièrement en France, sans lui donner sa signification exacte. Le créole est un européen, né, accidentellement, aux colonies, de parents européens, dont le sang est pur de métissage, noir ou indigène. Tel est exactement le cas de Charles Leconte de Lisle. Nous venons de le voir : sa mère, Mademoiselle de Lanux, descend de parents languedociens, son père est d’origine normande et bretonne.

Le lien, entre la France et les Leconte de Lisle, fraîchement expatriés, est demeuré si étroit, qu’à trois ans le petit Charles est ramené en Bretagne. Sept années, essentielles pour la formation de son esprit se passent donc pour lui, dans le pays même dont les siens sont originaires.

À dix ans, il retourne à Bourbon, où il reste jusqu’à vingt ans, entre son père, nourri de Rousseau, des Encyclopédistes, et qui préconise la méthode anarchiste des philosophes préconventionnels — et sa mère, conservatrice et pieuse. Pour la seconde fois il traverse l’Océan, revient en Bretagne, s’installe à Dinan, puis à Rennes, afin d’y achever ses études. À vingt-cinq ans, il reprend la mer, rentre dans son île créole ; il y passe deux années. À vingt-sept ans, il s’embarque pour la France, cette fois définitivement. Il s’installe à Paris, qu’il ne connaissait pas, et qu’il ne quittera plus.

L’influence créole s’est donc fait sentir en lui deux fois : d’abord à travers sa mère, née à Bourbon, ensuite par lui-même, surtout pendant ce séjour de la dixième à la vingtième année, au cours duquel toutes les facultés supérieures du poète s’éveillaient dans le contact avec une nature tropicale.