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Page:Dornis - Essai sur Leconte de Lisle, 1909.djvu/226

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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

branler Hypatie. Il a une autre séduction à lui offrir ; il lui promet l’immortalité dont il dispose :


« … C’est le néant qui s’ouvre à qui n’espère pas !…[1] »


Cependant les douceurs de l’Évêque s’arrêtent là. Si cet espoir est dédaigné comme les autres par la vierge païenne, Cyrille ne feindra plus ; il découvrira sa fureur, et dans la sécurité d’un fanatisme, qui veut imposer, fut-ce par le supplice, le dogme dont il a la garde, il adressera la menace du martyre.

C’est là que l’attendent Hypatie et Leconte de Lisle. Avec un lyrisme dont, cette fois, toute ironie est absente, et où l’on croit entendre comme l’écho de la mélancolie dont le poète fut plus d’une fois envahi, lorsque, l’Évangile fermé, il considérait comment vivent, sur la terre, les sociétés religieuses qui se réclament de la mansuétude évangélique, il s’écrie par la bouche de la noble vierge :


« … Efforcez-vous, plutôt que nous jeter l’outrage,
De chasser de vos cœurs la discorde sauvage,
Et s’il est vrai qu’un Dieu vous guide, soyez doux,
Cléments et fraternels, et valez mieux que nous…
Où sont la paix, l’amour qu’enseignent vos églises ?
Sont-ce là les leçons à l’univers promises ?
Et veux-tu, qu’infidèle au culte des aïeux.
Je prenne, aveuglément vos passions pour Dieux ?…[2] »


À côté de cette grave objection tirée des abus que l’esprit d’autorité religieuse a causé dans le monde, Leconte de Lisle a, contre le Christianisme, un grief tout personnel : c’est la défiance, voire la répugnance qu’il a de la beauté : « Le monde chrétien, soumis à une loi religieuse qui le réduit à la rêverie, n’a fait que pressentir vaguement l’idéal… »

Or, ce pâle idéal que le Christianisme entrevoit est en op-

  1. « Hypatie et Cyrille ». Poèmes Antiques.
  2. Ibid.