Mahom », c’est ce Pierre le Cruel, qui attira le roi de Grenade dans un piège de trahison pour le tuer ; qui fit décapiter son propre frère Dom Frédéric commandeur de Malte ; qui ordonna regorgement de sa jeune femme la douce Blanche de Bourbon exécutée, vierge, au moment où elle atteignait sa dix-huitième année.
Et, derrière ces Maîtres farouches, Leconte de Lisle aperçoit la foule, qui peine sous le joug. Ce sont les Gueux, « les Jacques dévorés de famine », voguant au hasard le long des grands chemins, geignant, haillonneux, tordant leurs mains :
« Et faisant rebrousser les loups, rien qu’à la mine ![1] »
Les protestants sont scellés vifs dans les murs. Le vieux Juif, qui a de l’or, doit suer cet or sur la braise. Les carrefours des chemins sont encombrés de pendus, carcasses autour desquelles tournoient force corbeaux. Et les loups-garoux hurlent dans cette épouvante. Les incubes mènent la danse ; l’enfer rougeoie. Dans toute chair, dans toute âme, vit l’angoisse d’être au monde, autant que l’épouvante de la Mort.
Si une ville s’éveille, au matin, dans le soleil joyeux, au son des cloches et des bourdons de fête, si un rayon luit, par hasard, sur ces pignons, sur ces hauts toits, c’est que, les moines blancs, gris ou bruns, barbus ou ras, chaux ou déchaux, ayant capes, frocs ou cagoules, viennent, mêlés au troupeau confus des gueux et des prostituées, pour voir brûler vif un homme, un philosophe[2].
Et la clef de voûte de tout ce monde d’horreur, c’est Rome.
La peinture nous en est proposée, à travers la vision d’un saint abbé, Dom Guy, pieux moine de Citeaux — qui a succédé, sur le siège des Prieurs au prédicateur de la Croisade, l’illustre Saint-Bernard.