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Page:Dornis - Essai sur Leconte de Lisle, 1909.djvu/42

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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

mouvement. De même, pour le descripteur, écrivain de prose ou de vers.

Sûr qu’il était, de pouvoir fixer avec une maîtrise impeccable les décors élémentaires de la nature, Leconte de Lisle s’était vite montré capable d’animer ses paysages par des mouvements de vies plus puissantes. Mais les gestes de l’insecte et de l’oiseau ne lui suffirent pas longtemps.

Dans une lettre qu’il écrivait lors de son premier passage par le cap de Bonne Espérance, il remarque : « … Le Cap possède un fort beau cabinet d’histoire naturelle, un jardin botanique, une ménagerie assez belle…faite pour solliciter diversement l’attention d’un voyageur de dix-neuf ans, on lui voit faire, dans sa description, une part plus importante aux bêtes de cette ménagerie qu’aux femmes du Cap rencontrées sur le chemin.

Celles qu’il a remarquées lui ont paru « assez jolies mais très mal faites ». Le meilleur de ses admirations va donc à un couple de lions qu’on lui a montrés « enfermés dans un carré long de trente pieds sur huit : le mâle a deux ans ; il est déjà magnifique. Ses bonds sont effrayants et sublimés ; quand il rugit, les murs de sa prison en tremblent… » Il n’est pas moins intéressé par « les jambes entièrement nues de deux autruches noires et blanches », qu’il voit dans le voisinage de ces lions. Il note que leur marche « est un balancement élastique et continuel ». Il n’y a pas jusqu’à la description d’une bête empaillée, aperçue dans le salon d’un colon hollandais dont on visite les propriétés, qui ne trahisse déjà chez Leconte de Lisle la sûreté de main, la netteté de vision d’un artiste[1].

  1. Il écrit à son ami M. Adamolle à l’île Bourbon « … Nous avançons. Une panthère énorme, accroupie au fond de l’appartement fixe sur nous des yeux brillants et féroces. Sa queue se redresse à l’entour de ses flancs tachetés, et sa mâchoire entr’ouverte laisse voir de blanches et longues dents, qui ne nous rassurent pas. Cet animal était