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L’INDE

en vers, toute la littérature religieuse de l’Inde. On l’a vu : il n’y cherchait qu’un abri pour son inquiétude philosophique. S’il souffrit de l’accueil fait à sa tentative, il ne se découragea pas de la pousser jusqu’au bout : il avait étudié, dans le Ramayana, le point de départ de la pensée hindoue ; il chercherait, dans le Bhagavat-Purana, les précisions de ses conclusions.

Certes, entre les Hymnes védiques, et les livres indiens du Bhagavat-Purana, où il trouvera le sujet et la philosophie de sa Vision de Brahma, des siècles de poésie, de littérature et de philosophie s’écoulent pour l’Inde. Si Leconte de Lisle ne marque par aucun poème, l’étude qu’il fait de ces étapes, cela ne l’empêche pas de s’intéresser à la façon dont les commentateurs des Védas ont mis de l’unité dans la confusion des personnalités divines, qui surgissaient, au début de la mythologie hindoue.

Avec leurs Sages, il s’éprend de l’idée d’un Dieu, préexistant à tous les Dieux, qui les contiendrait tous, et, en dehors duquel ils ne seraient rien. Il traverse les époques de philosophie nihiliste et panthéiste où la pensée hindoue s’est emparée de ce Dieu unique et en a fait le Grand Tout, alors qu’elle continuait à se demander, plus bas, si ce Grand Tout n’était peut-être pas le Grand Rien ? Il y a des minutes où le poète de Bhagavat se déclare satisfait par cette définition que les Sages ont donnée de Brahma, adoré sous la figure du Grand Tout :

« … L’esprit ne peut l’atteindre qu’en niant les qualités qui constituent les vaines apparences du monde extérieur. Rien ne le limite, rien ne le contient. Il est la fleur et l’insecte, l’arbre et l’oiseau, l’astre et le grain de sable, la terre et le ciel. Il est toi, il est moi. Il est le seul vivant… L’âme individuelle n’est qu’une Illusion entre toutes…[1] »

  1. Cf. Burnouf : Traduction du Bhagavat-Purana.