Page:Dornis - Leconte de Lisle intime, 1895.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vent donner là-dessus quelques indications précises. On trouve en effet dans la Revue des Deux-Mondes du 15 février 1855 les premiers poèmes qu’il lui confia : la Jungle, le Vase, les Hurleurs. En 1866 paraissaient dans le Parnasse Contemporain, le Rêve du jaguar, la Vérandah, les Larmes de l’Ours, le Cœur de Hialmar, et plus tard, en 1869, Qaïn. La Revue de Paris d’août 1854 publiait le Runoïa ; et la République des Lettres des années 1875-1876, à côté de l’Assommoir de M. Zola et des premiers sonnets de M. de Heredia, offrait à ses lecteurs presque tous les Poèmes tragiques, alors inédits. Il serait difficile d’indiquer dans quel ordre le reste de l’œuvre a été composé, et peu d’intérêt, d’ailleurs, s’y attache. Très vite, le maître était arrivé à un degré de perfection presque absolue, et on peut dire que sa pensée elle-même n’évolua guère. Toute sa vie, le poète resta fidèle à ses souvenirs, à l’idéal de sa jeunesse ; il voulait ignorer tout ce qui se transformait autour de lui ; et ce ne fut que sur la fin de ses jours qu’il eut la sensation de l’isolement où ce parti pris l’avait muré. Les égards dont il était l’objet de la part des écrivains de la nouvelle école lui avaient fait longtemps illusion sur sa pensée et sur le monde.

M. Catulle Mendès a conté, dans son Parnasse contemporain, l’histoire des soirées exquises passées boulevard des Invalides, dans ce petit salon du cinquième étage où tous les poètes venaient, les samedis soirs, dire leurs projets, apporter leurs vers nouveaux, solliciter le jugement des émules et l’approbation de leur grand ami : « Je ne