Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/153

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mais qu’ils me le montrent plein de ces vertus enviables même pour quelque Alexandre de Macédoine russe et trop célèbre, je le dis franchement. Je connais la Russie et la Russie me connaît ; aussi n’hésité-je pas à en parler. Qu’on me le montre chargé de famille, ce paysan aux cheveux blancs, affamé et suffoquant dans son izba, mais content, soumis et n’enviant pas l’or des riches. Que, dans sa compassion, le riche lui apporte son or et que l’on voie la vertu du paysan s’associer à celle de son maître, le grand seigneur ! Ces deux hommes, tant séparés sur l’échelle sociale, se rapprocheront enfin dans la vertu : c’est là une grande idée ! Mais, au contraire, que voyons-nous ? D’un côté les myosotis et, de l’autre, le paysan tout débraillé et bondissant du cabaret dans la rue ! Voyons, qu’y a-t-il là de poétique, d’admirable ? Où, l’esprit ? où, la grâce ? où, la moralité ?

— Je te dois cent roubles pour ces paroles, Foma Fomitch ! fit Éjévikine affectant le ravissement. Puis il ajouta tout bas : — Pour ce dont je dispose !… Mais il faut flatter, flatter !…

— Ah ! vous avez admirablement exprimé cela ! dit Obnoskine.

— En effet, très juste ! s’écria mon oncle qui