Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/181

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S’ils étaient aussi animés contre vous que vous le dites, s’ils voulaient vous chasser, ils auraient une autre attitude envers lui et ne lui feraient pas si bon accueil.

— Mais ne voyez-vous pas ce que mon père fait pour moi ? Il joue le bouffon ! On l’accueille parce qu’il a su gagner les bonnes grâces de Foma Fomitch. Cet ancien bouffon est flatté d’en avoir un maintenant. Pour qui croiriez-vous donc qu’il pût agir ainsi ? Ce n’est que pour moi, pour moi seule ! À quoi ça lui servirait-il, à lui ? ce n’est pas pour lui-même qu’il s’abaisserait ainsi devant qui que ce fût. Il peut paraître ridicule aux yeux de certains, mais c’est l’homme le plus honnête, le plus noble ! Il croit (Dieu sait pourquoi, mais ce n’est pas parce que je suis bien payée), il croit préférable que je reste dans cette maison. Mais j’ai réussi à le dissuader en une lettre résolue. Il est venu pour me chercher et m’emmener dès demain. Nous sommes à la dernière extrémité. Ils vont me dévorer et je suis certaine qu’on se dispute en ce moment à cause de moi. À cause de moi, ils vont le déchirer, ils vont le perdre. Et il est pour moi comme un père, plus qu’un père, vous entendez ! Je ne veux plus attendre ; j’en sais plus long que les autres. Demain, demain même