Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/190

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Demain, après-demain, quand tu voudras, nous nous quitterons. Va dans notre petite ville, Foma, ce n’est qu’à dix verstes d’ici. Tu trouveras derrière l’église, dans la première ruelle, une très gentille maisonnette aux volets verts ; elle appartient à la veuve d’un pope ; on la dirait faite pour toi. Cette dame ne demandera pas mieux que de la vendre, et je l’achèterai pour t’en faire présent. Tu t’y installeras et tu seras tout près de nous ; tu t’y consacreras à la littérature, aux sciences ; tu acquerras la célébrité. Les fonctionnaires de la ville sont des gens nobles, affables, désintéressés ; le pope est un savant. Tu viendras nous voir les jours de fête et ce sera une existence de paradis ! Veux-tu ?

— Voilà donc comment il voulait chasser Foma ! me dis-je. Il ne m’avait pas parlé d’argent.

Il se fit un long et profond silence. Dans son fauteuil, Foma semblait atterré et, immobile, il regardait mon oncle visiblement gêné par ce silence et ce regard.

— L’argent ! murmura-t-il enfin d’une voix volontairement affaiblie. Où est-il cet argent ? Donnez-le ! Donnez-le vite !

— Le voici, Foma, dit mon oncle, ce sont les dernières miettes, quinze mille roubles, tout ce que j’avais. Voici !