Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/227

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empare à force de guitare et de sérénades, l’épouse, la dépouille et l’abandonne sur une grande route. Ici, par exemple, dans cette honnête maison, on ne l’estime que pour son argent. Il faut la sauver de ces dangereux aléas. Je me charge de la garantir contre tous les malheurs. Je commencerai par la placer sans retard à Moscou dans une famille pauvre, mais honnête (une autre famille de ma connaissance) ma sœur vivra près d’elle. Il lui restera environ deux cent cinquante mille roubles, peut-être même trois cents. Aucun plaisir, aucune distraction ne lui manqueront : bals, concerts, etc. Elle pourra, s’il lui plaît, rêver d’amour ; seulement, sur ce chapitre-là, je prendrai mes précautions. Libre à elle de rêver, mais non de passer du rêve à l’action ; n-i-ni, fini ! À présent, tout le monde peut ternir sa réputation, mais, quand elle sera ma femme, Mme Mizintchikov, je ne permettrai pas qu’on salisse mon nom. Cela seul serait cher ! Naturellement, je ne vivrai pas avec elle : elle sera à Moscou et moi à Pétersbourg, je vous l’avoue en toute loyauté. Mais qu’importe cette séparation ? Pensez-y ; étudiez-la donc un peu. Peut-elle faire une épouse et vivre avec son mari ? Peut-on lui être fidèle ? Elle ne vit que de perpétuel changement. Elle est capable d’oublier demain