Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/258

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Mais mon inquiétude grandissait. Presque inconsciemment, je sortis et me dirigeais vers le fond du jardin en suivant l’allée au bout de laquelle je l’avais vu disparaître. La lune se levait ; je connaissais parfaitement le parc et ne craignais pas de m’égarer.

Arrivé à la vieille tonnelle, au bord de l’étang mal soigné et vaseux, dans un endroit fort isolé, je m’arrêtai soudain : un bruit de voix sortait de la tonnelle. Je ne saurais dire l’étrange sentiment de contrariété qui m’envahit. Je ne doutai pas que ces voix ne fussent celles de mon oncle et de Nastassia et je continuai à m’approcher, cherchant à calmer ma conscience par cette constatation que je n’avais pas changé mon pas et que je ne procédais point furtivement.

Tout à coup, je perçus nettement le bruit d’un baiser, puis quelques paroles prononcées avec animation, puis un perçant cri de femme. Une dame en robe blanche s’enfuit de la tonnelle et glissa près de moi comme une hirondelle. Il me sembla même qu’elle cachait sa figure dans ses mains pour ne pas être reconnue. Évidemment j’avais été vu de la tonnelle.

Mais quelle ne fut pas ma stupéfaction quand je reconnus que le cavalier sorti à la suite de la