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Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/279

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gravure de mode. Je ne pus que cracher et m’en aller. Et, dès ce moment, j’eus le pressentiment de la chose aussi nettement que si je l’avais lue !

— Mais pourquoi la juger aussi sévèrement ? insistai-je, non sans une certaine timidité. Il est connu que Tatiana Ivanovna ne jouit pas… d’une santé parfaite… enfin… elle a des manies… Il me semble que le seul coupable est Obnoskine.

— Elle ne jouit pas d’une santé parfaite ? Allons donc ! répartit le gros homme tout rouge de colère. Tu as juré de me faire enrager ! Tu l’as juré depuis hier ! Elle est sotte, mon petit père, je te le répète, absolument sotte ! Il ne s’agit pas de savoir si elle jouit ou non d’une santé parfaite : elle est folle de Cupidon depuis sa plus tendre enfance et vous voyez où Cupidon l’a conduite. Quant à l’autre, avec sa barbiche, il n’y faut même plus penser. Il galope sa troïka, drelin ! drelin ! drelin ! sonnez clochettes ! et comme il doit rire, avec l’argent dans sa poche !

— Croyez-vous donc qu’il l’abandonnerait tout aussitôt ?

— Tiens ! Tu te figures qu’il irait promener avec lui un pareil trésor ? Qu’est-ce qu’il en ferait ? Il la dépouillera et puis il la laissera sous quelque buisson, au bord de la route : bonsoir la compa-