Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/360

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luxueuse, pendant que le gros homme faisait place avec déférence.

— Quelle digne demoiselle ! fit-il attendri. Puis, me regardant joyeusement dans le blanc des yeux, il me chuchota en confidence : — On a pu recoller le nez de l’Allemand !

— Quel nez ? quel Allemand ? demandai-je étonné.

— Mais le nez de l’Allemand que j’avais fait venir de la capitale… qui baise la main de son Allemande pendant qu’elle essuie une larme avec son mouchoir. Evdokime l’a raccommodé hier ; je l’ai fait prendre par un courrier. On va l’apporter tout à l’heure… un jouet superbe !

— Foma ! criait mon oncle au comble de la joie, tu es l’auteur de mon bonheur ! Comment pourrai-je jamais te revaloir cela ?

— Ne vous préoccupez pas de cela, colonel ! répondit Foma d’un air sombre ; continuez à ne faire aucune attention à moi et soyez heureux sans Foma.

Il était évidemment fort froissé de ce qu’au milieu de la joie générale on semblât l’avoir oublié.

— C’est que nous sommes en extase, Foma ! cria mon oncle. Je ne sais plus où je me trouve !